Notre exploration de la littérature nous a permis de nous conforter dans l’idée que la problématique du vécu des personnes ayant un parent alcoolique est complexe (Michaud, 2001).
D’un point de vue biologique, l’addiction d’un parent joue sur la personnalité de son enfant à travers la présence de marqueurs génétiques comme l’évoquent certaines études (Faoro-Kreit, 2013). De plus, d’un point de vue environnemental, l’alcoolisme du parent aurait également un effet sur le devenir de la personne notamment dans l’expression des affects et des comportements (Fitzgerald et Zucker, 2002). Il est possible de voir chez les personnes ayant vécu avec un parent alcoolique des sentiments de culpabilité, de honte comme l’expliquent les études d’Erice et Levaque (2010), Levaque (2006) et Vust (2004). Que ce soit d’un point de vue biologique ou environnemental, les personnes ayant un parent alcoolique seraient plus susceptibles de développer des comportements impulsifs, agressifs (Fitzgerald et Zucker, 2002), de consommer des substances (Daniel et Karila, 2004), de présenter des troubles alimentaires (Vust, 2004) ou de la dépressivité (Fitzgerald et Zucker, 2002).
Au niveau développemental, il est possible de repérer des éléments traumatiques chez les personnes ayant vécu avec un parent alcoolique (Hagström, 2019). L’influence de l’environnement sur les représentations et les affects a conduit à des études (Erice et Levaque, 2010 ; Levaque, 2006) qui ont montré que les personnes ayant vécu avec un parent souffrant d’alcoolisme ne se représentent plus la figure parentale comme telle mais plutôt comme une personne en souffrance à aider. D’autres études ont démontré que les rôles qu’adoptent inconsciemment les enfants pour aider leur système familial, sont en lien avec la représentation qu’ils se construisent de leurs parents alcooliques (Croissant, 2004).
L’ensemble de ces éléments, ainsi que le peu de littérature existante, portant sur les personnes ayant un parent alcoolique, suscitent chez nous une motivation pour investiguer les représentations qu’ont ces personnes de leurs parents alcooliques, pour comprendre comment ces personnes perçoivent et s’expliquent l’addiction de leurs parents. Nous tenterons aussi d’approcher la façon dont se déploient l’agressivité, l’impulsivité et la dépressivité chez ces personnes. Pour ce faire, nous voulons approcher le vécu de six personnes. Cette approche se fera lors d’un entretien unique, dont la durée n’excèdera pas nonante minutes.
La rencontre se déroulera en deux parties. La première sera la passation, par le sujet, du test perceptivo-projectif de Rorschach selon la procédure standardisée d’Exner (2003), dont la consigne est la suivante (lors de la présentation des planches) : « Qu’est-ce que cela pourrait être ? ». En deuxième partie, un entretien semi-directif aura lieu, axé la consigne du récit de vie : « Qu’est-ce qui fait que vous êtes devenu(e) la personne que vous êtes aujourd’hui ? » (De Gaulejac et Legrand, 2013). Si le sujet n’en fait pas mention spontanément, les thématiques suivantes seront abordées à travers les différents types d’intervention utilisés dans les entretiens semi-directifs (reformulations, reflets, clarifications, interrogations) : les représentations portant sur les parents, la perception de l’addiction du parent alcoolique, le vécu en tant qu’enfant d’alcoolique, les représentations que le participant se fait de son (propre) comportement. |